Dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 janvier, les services de secours ont été submergés d’appel leur signalant une forte odeur de gaz. Rien de grave selon la préfecture de Seine-Maritime et la Sécurité civile. Il s’agit d’un dégagement gazeux "non toxique" provenant de l’usine rouennaise de Lubrizol.
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Si les autorités assurent que le nuage parti de l’entreprise Lubrizol lundi à 11h est "non toxique", il a pourtant provoqué de vives inquiétudes dans l'agglomération de Rouen et plus loin encore. En effet, une forte odeur de gaz s’est répandue jusqu'au sud de l'Angleterre, en Picardie et en Ile de France.
Selon les pouvoirs publics et l'industriel, ce dégagement gazeux contenait du mercaptan, une substance que l’on ajoute au gaz de ville pour lui donner son odeur. "Le gaz de ville est naturellement sans odeur, raison pour laquelle un marquant olfactif totalement inoffensif y est systématiquement ajouté. Actuellement un nuage de ce marquant provenant de Normandie est perceptible en région parisienne. Ce nuage (...) se dissipera naturellement en fonction des conditions météorologiques", ont expliqué les pompiers de Paris.
"Les mesures réalisées ont révélé un seuil de concentration très faible mais qui explique cependant la gêne ressentie par un grand nombre de personnes", a déclaré à l'AFP, Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Et pour cause. Dans la nuit, les services téléphoniques des secours ont été débordés d’appels leur signalant cette odeur gênante, et se plaignant de "maux de tête" et de "nausée". Un grand nombre d'habitants de l'agglomération a été nettement incommodé par le nuage du Lubrizol et certains ont ressenti des effets plusieurs jours durant.
L'affaire a été reconnue comme suffisamment sérieuse pour motiver la ministre de l'environnement de venir à Rouen alors qu'elle était en Allemagne avec d'autres membres du gouvernement. Il faut dire que cette "fuite" n'est pas la première. L'usine Lubrizol a connu de nombreux incidents au cours des années précédentes qui ont elles aussi fortement incommodé la population.
Plus d'un mois après cet événement industriel, il convient à présent de faire le point sur ce qui s'est passé. Les faits sont suffisamment graves pour qu'un débat ait lieu sur les causes, la dynamique et les conséquences de la "fuite" survenu dans l'usine Lubrizol.
Le CoDERST du 12 février a révélé qu'une erreur humaine avait pu contribuer au déclenchement du processus incidentel. Le préfet Henri Maccioni a livré les premières conclusions de l’enquête sur cette pollution olfactive qui a gêné, perturbé la vie de plusieurs centaines de milliers de Normands et de Franciliens (sans oublier les Britanniques du sud) dès le 21 janvier. Mais c’est le procureur de la République, Jean François Bohnert, qui évoque « une élévation anormale de la température dans un des bacs » de l’industriel, fabricant d’additifs pour huiles.
« En cause, une conjonction de phénomènes, entre cette élévation de température et un facteur humain avec une manipulation erronée sur le bac », a-t-il déclaré. Un dernier élément qui doit cependant être précisé, le procureur excluant d’ailleurs toute
malveillance. Responsable de la direction de l’environnement (Dreal), Patrick Berg évoque « l’agitation d’un mélange qui a provoqué l’élévation de température et la décomposition chimique des produits, d’où la génération d’émission d’un composé soufré ». Le fameux mercaptan que tout le monde a senti et même ressenti.
Aucun risque pour la santé, répète le préfet. Les opérations d’évacuation des produits incriminés étant terminées, Lubrizol a d’ailleurs été progressivement autorisée à redémarrer ses activités, à l’exception de l’unité dans laquelle figure la cuve incriminée.
Pierre-Henry Maccioni insiste sur le fait que « des corrections vont être apportées dans le procédé industriel afin d’éviter la survenue d’un nouvel incident de ce type ». Il ajoute que « l’encadrement des émissions va être renforcé, sur le site, notamment par la mise en place, par l’exploitant, d’un réseau de capteurs fiables ».
Les pouvoirs publics disent ils toute la vérité ?
On peut le supposer aux vues des moyens engager pour traiter rapidement l'incident et stopper la pollution. Reste tout de même quelques zones d'ombre que nous allons tacher d'aborder.
Un impact sur l'installation non négligeable
Si la Place Beauveau et le ministère de l'Ecologie ont annoncé qu'ils considéraient comme nul le risque pour la santé humaine, l'exploitation de l'usine n'en a pas moins été stoppée dès le mardi 22 janvier. Le préfet de Seine-Maritime a activé le plan particulier d'intervention (PPI). C'est dans le cadre de ce dispositif qu'ont débuté mardi les opérations de neutralisation du mercaptan.
Le préfet de Haute-Normandie a déclaré le 26 janvier espérer un achèvement "de toutes les opérations de neutralisation" dans la soirée de samedi ; ce qui lui aurait permis de signer, dans la foulée, l'arrêté de reprise partielle d'activité du site, à l'arrêt depuis six jours. Florence Gouache rappelle que "l'unité défaillante ne pourra être redémarrée que lorsque Lubrizol aura analysé le phénomène et justifié de la mise en œuvre effective de mesures correctives pérennes, afin de prévenir tout nouveau dysfonctionnement".
Mais le nettoyage de la cuve n'est pas une opération anodine. C'est une cuve de 36 tonnes de produits chimiques qu'il s'agit de traiter afin de neutraliser tout risque. "Nous pensions ce matin que notre protocole de traitement permettrait d'arriver jusqu'au fond de la cuve dans la soirée, mais nous avons dû réadapter notre protocole de façon à ce que le nettoyage se poursuive de façon totalement contrôlée", explique la directrice de cabinet du préfet.
Le problème est suffisamment ardu pour que Lubrizol fasse appel à une société spécialiste de la dépollution, Veolia. Un article du journal Les Echos du 24 janvier nous informe en effet que « Pour la fameuse pollution du gaz mercaptan qui s'échappe de l'usine de Rouen (...), c'est Veolia qui a été appelé à la rescousse pour traiter cette pollution très difficile à traiter et complexe ». Le patron de Veolia, Antoine Frérot, a précisé en avoir été informé « ce (jeudi) matin », sans donner de détails sur le rôle exact confié à son groupe.
Le problème est suffisamment aigu pour qu'une enquête judiciaire ait été ouverte dès le mercredi 23 janvier à la demande de la ministre de l'environnement. Les pouvoirs publics soupçonnent donc une « négligence ou une faute » sur le site où les opérations de neutralisation, qui ont débuté dès le lendemain de la pollution.
Après une première tranche de 12 tonnes traitées le mercredi 23 janvier, une deuxième tranche équivalente de produits contenant du mercaptan a été traitée le jeudi, a indiqué le préfet de Seine-Maritime, Pierre-Henry Maccioni. Initialement, cette seconde tranche de 12 t (sur les 36 t que contient le bac), devaient être traitées dans la nuit mais ce temps a été consacré à la préparation de la solution sodée qui permet de neutraliser les produits. « Cela se déroule correctement », a admisle préfet, en évoquant le démarrage du traitement de la seconde tranche.
Dans la journée du jeudi, les deux tiers du mercaptan devaient donc être neutralisés. Une troisième et dernière tranche de 12 t est programmée à la suite. « On va arriver après la troisième tranche au fond de cuve, qui nécessitera un ajustement du protocole », a précisé le préfet. Les opérations consistent à transférer le contenu du bac d'où s'échappe le mercaptan vers un autre bac contenant une solution sodée.
Les produits ainsi traités seront ensuite détruits et Veolia sera chargée de cette tâche. Lors d'une présentation jeudi au siège de Veolia à Paris, Jérôme Lecomte, le patron de la division propreté du groupe, a expliqué à l'AFP que le groupe allait traiter et incinérer le produit de la réaction.
Une des manipulations consiste à « transférer le produit en cours de réaction dans un bac d'eau sodée afin de stopper le processus », a indiqué un représentant de Lubrizol. Au cabinet du préfet de Seine-Maritime, on parlait d'un « procédé rarement mis en œuvre » , auquel la direction de l'entreprise était autorisée à recourir et dont le caractère expérimental justifiait de s' « entourer de toutes les garanties ».
Il faut attendre plus de dix jours pour que les opérations soient enfin terminées. "L'ensemble des opérations de traitement des substances en cause chez Lubrizol a pris fin à 12H30", a annoncé le 06 février la ministre de l'Ecologie. La cuve en cause a été "entièrement rincée", a-t-elle précisé, saluant le "travail des équipes de la Dreal".
des doutes sur le produit relâché dans l'atmosphère
Le 31 janvier, le toxicologue André Picot interviewé par Guillaume Malaurie s'interroge les émanations de fumées de l'usine de lubrifiants Lubrizol. En effet, la réaction chimique qui a provoqué les émanations de fumées est impossible sans un solvant, dont les autorités ne font jamais mention.
On nous explique que la synthèse du Dithiophosphate de zinc (PS2O2H.xZn) s'est emballée de manière incontrôlée dans l’usine rouennaise et a généré un gaz mal odorant sans toxicité importante : le Méthanethiol. Or, si l’on s’en tient aux bases classiques de la chimie, ce type de réaction est proprement impossible. On ne peut pas passer d’un phosphate minéral complexe à un composé organosoufré, contenant une liaison carbone soufre, par l’opération du Saint-Esprit.
Cette réaction nécessite-telle un solvant ? Et si oui, lequel ? Sinon, c’est une génération spontanée. Or aucun communiqué officiel ne mentionne la présence de ce solvant et, a fortiori, ne nous en précise la nature chimique et la concentration. Je ne comprends pas ce silence de la direction de l’usine relayée par le préfet et les administrations compétentes. Quand bien même il s’agirait de préserver un secret industriel.
Cela changerait beaucoup de choses en termes de risque sanitaire et environnemental
S’il s’agit d’hydrogène sulfuré (H2S) et non de Méthanethiol (CH3-SH) l'impact n'est pas du tout le même. Ce gaz soufré est hautement toxique. Il a provoqué la mort d’un cheval et de sangliers en Bretagne par simple inhalation au milieu des algues vertes fermentées. Il y a une cinquantaine d’intoxications ou d’accidents répertoriées en France provoquées par des produits soufrés de ce type, selon l’Association Robin des
bois. Il faut savoir que si de l’hydrogène sulfuré est émis accidentellement, on peut le sentir dans les minutes qui suivent car il est odorant à quelques parties pour Milliard (pbb). Mais il paralyse aussi le nerf olfactif à quelques parties par Million (ppm) et devient de ce fait inodore tout en conservant sa toxicité.
En décembre 1956, des employés du service des eaux de la Ville de Paris qui devaient devant la Samaritaine débloquer des vannes prises par les glaces mélangées à de la pyrite (sulfure de fer). Ils ont versé de l’acide chlorhydrique provoquant un dégagement d’hydrogène sulfuré. Bilan : cinq morts, anesthésiés les uns après les autres par l’hydrogène sulfuré et ceci juste avant leur décès.
Mais à Rouen, le produit nauséabond a été propulsé en hauteur par des cheminées. Finalement les salariés y ont échappé bel. Même si le nuage contenait de l’hydrogène sulfuré, la dispersion aura été rapide. Et sans conséquence sur la santé autre que de l’inconfort (céphalées, nausées…). Quant aux pompiers, ils ont du intervenir avec des combinaisons autonomes et ont pu s’affranchir des risques éventuels. Eux doivent savoir la nature exacte de ce toxique gazeux, mais ont un devoir de réserve.
Les vents ont pu diluer, rapidement, les fumées à la sortie des cheminées. Et qu’on les sente de Paris à Londres n’est pas un problème. Mais cette déclaration ne nous renseigne ni sur la nature exacte du produit, ni sur sa toxicité réelle, ni sur les risques encourus. Ce que je sais moi, c’est que la thèse officielle actuelle est chimiquement non recevable.
Une gestion de crise "perfectible"
Un Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) exceptionnel a été réuni le mardi 12 février par le préfet Maccioni pour établir un premier bilan de l'événement.
Trois enseignements à retenir, selon l’autorité préfectorale : « Apporter des corrections dans le procédé industriel pour éviter un nouvel incident de ce type, renforcer l’encadrement des émissions sur le site de Lubrizol en mettant en place des capteurs fiables et créer un système de diffusion multi-canaux d’information de la population, de concert avec les élus de la communauté d’agglomération et les associations. » Ajoutant que : « Aucun suivi sanitaire n’a été décidé, en raison de l’absence d’impact sur la santé. »
C’est une « conjonction de phénomènes », selon le procureur de la République de Rouen, Jean-François Bohnert, qui aurait conduit à l’élévation de la température dans un bac entre le 18 et le 21 janvier, générant la décomposition du produit et le nuage olfactif de mercaptan, ce gaz qui a été senti jusqu’en Angleterre et en Île-de-France.
« Avec un facteur humain très vraisemblablement, poursuit le procureur, avec une manipulation erronée sur le bac en question, facteur humain qui devra encore être précisé. Les éléments de l’enquête permettent d’exclure une malveillance. Un deuxième facteur existe, à savoir l’absence d’instruments de mesure sur le bac en question qui aurait permis de détecter l’élévation de la température. »
« Tout est perfectible »
Il est symptomatique que l'entreprise Lubrizol ai renouvelé ses excuses à l'occasion de la conférence de presse qui a eu lieu à l'issue du CoDERST, par la voix de son directeur, Frédéric Henry.
Suit un débat entre les journalistes et les représentants des pouvoirs publics sur le traitement médiatique de cette "affaire Lubrizol". Si la société civile rouennaise et les médias déplorent quelques défauts d'information, le représentant du ministère de l'intérieur considère que cet événement a donné lieu à une communication satisfaisante et même à une sur médiatisation.
Frédéric Sanchez, président de la Communauté d’agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe, confie au site Actu76, que cette affaire est très sérieuse. « C’est l’occasion de remettre les choses en perspective et de faire de la pédagogie, notamment dans les établissements scolaires. Le choc psychologique est réel et renvoie à la problématique de l’image qu’ont les habitants de leur environnement (…) On ne peut pas laisser s’installer l’idée que ça pue le mercaptan régulièrement, car c’est tout simplement faux », affirme-t-il.
« C’est un retour d’expérience local qui doit être considéré ; la contribution à un retour d’expérience national, ajoute le préfet Maccioni. Il y a des marges de progression : pour moi, c’est un premier pas et il y en aura d’autres. À quelque chose malheur est bon. Ce retour est demandé par les ministres Manuel Valls et Delphine Batho qui veulent en tirer les conséquences en matière de sécurité civile. Peut-être pour avancer dans notre réseau d’alerte national ou pour le service d’alerte et d’information à la population. »
Aujourd’hui l’usine Lubrizol a redémarré toutes ses activités à l’exception de l’unité dans laquelle figure la cuve qui a présenté le dysfonctionnement. La société devra présenter un rapport complet sur les causes de cet incident (un premier rapport a déjà été remis à la DREAL le 7 février) et indiquer les mesures correctives qui seront prises pour éviter qu’un tel événement ne se reproduise. C’est alors que l’unité aujourd’hui à l’arrêt pourra être remise en service.
Un plan de prévention des risques technologiques... inachevé !
Toujours est il que cet événement amène à s'interroger sur les difficultés de la mise en place des plans de prévention contre les risques technologiques (PPRT). Instaurés selon la loi Bachelot de 2003 votée à la suite à la catastrophe d'AZF du 21 septembre 2001, les PPRT ont été élaborés pour mieux contrôler l'urbanisation autour de sites industriels à haut risque (dits Seveso seuil haut), et ainsi de limiter la gravité des accidents susceptibles de survenir dans ces installations. Ils délimitent un périmètre d'exposition dans laquelle sont définies différentes zones, en fonction des risques, de leur gravité potentielle, de leur probabilité de survenue.
« Les PPRT permettent de délimiter les zones constructibles et les zones de risque. Selon le degré de danger, le PPRT peut mener à différentes mesures foncières (expropriation ou délaissement) ou à la conduite de travaux de renfort pour protéger les bâtis », explique Philippe Prudhon, directeur du Département technique de l'Union des industries chimiques (UIC). Le territoire recense près de 640 sites Seveso seuil haut, et près de 3 500 études de dangers ont été menées pour réaliser les PPRT.
« Sur les 404 PPRT à élaborer à ce jour, 401 d'entre eux ont été prescrits, et deux autres sont en cours de signature. Sur ces prescriptions, 216 PPRT ont été approuvés, soit environ 54 % », indique Cédric Bourillet, sous-directeur des risques accidentels au ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. Avant d'ajouter : « Nous espérons avoir approuvé la grande majorité des plans d'ici la fin de l'année, et l'ensemble des PPRT d'ici fin 2014 ».
L’usine LUBRIZOL fait l’objet d’un classement Seveso seuil haut depuis le 10 août 2009. C’est à dire qu’elle est un établissement présentant des risques d’accidents majeurs. La démarche en vue d’élaborer le PPRT a donc été engagée par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) sur la base de l’examen d’un certain nombre d’études de dangers couvrant toutes les installations du site et révisées courant 2009 selon les dernières méthodes et normes en vigueur.
La Préfecture de Seine-Maritime publie donc un arrêté de prescription du PPRT, le 6 mai 2010, soit 9 mois après le classement Seveso seuil haut. C’est à dire que la préfecture demande, juridiquement, de réaliser un plan de prévention des risques.
Le 19 octobre 2011, soit un peu plus de deux ans après le premier arrêté ordonnant la mise en place d’un PPRT, un autre arrêté de la Préfecture de Seine-Maritime prolonge le délai d’instruction du Plan de Prévention jusqu’au 6 novembre 2012, parce que les études et la concertation sont plus longues que.
Le 12 octobre 2012, un an plus tard, toujours la Préfecture de Seine-Maritime, arrête à nouveau la prolongation du délai d’instruction du PPRT de l’usine Lubrizol. Les motifs ? Que le rapport final d’étude de vulnérabilité du bâti n’a été reçu que le 10 septembre 2012. Que le processus d’élaboration de ce PPRT a par ailleurs été décalé dans le temps (compte tenu de la période de réserve électorale). Le délai de prolongation ? Jusqu’au 6 novembre 2013.
Enfin, le 31 octobre 2012, un nouvel arrêté est émis car celui du 12 octobre était entaché d’une erreur matérielle en son article premier; etc. Effectivement, le PPRT n’était pas nominatif de l’usine … Le délai de prolongation reste inchangé. Ce sera le 6 novembre 2013 prochain.
http://www.spinfos.fr/?page=rubrique-3&id_rubrique=211
http://www.spinfos.fr/IMG/pdf/brochure_expo_janvier_2012.pdf
Autrement dit, depuis la prescription, c’est à dire la demande de constitution d’un PPRT en août 2009, 3 ans et demie plus tard, celui-ci n’est toujours pas mis en œuvre, et même, il n’arrivera pas avant la fin d’année 2013.
pourquoi autant de temps pour un PPRT ?
Le Code de l’environnement stipule qu’un tel plan doit être validé « dans les dix-huit mois qui suivent l’intervention de l’arrêté prescrivant son élaboration ». Soit fin 2011. Or, la finalisation du PPRT de Rouen Ouest a plusieurs fois été retardée par arrêté préfectoral, et repoussée au 6 novembre 2013. Quatre ans après le classement à haut risque de l’usine.
Somme toute le PPRT n'est "toujours pas validé", au grand dam des Robins des Bois. Pour Jacky Bonnemains ce n'est pour l'instant qu'un "PPRT de papier", du moins jusqu'à la fin de l'année. De plus, "la zone présumée à évacuer, qui englobe la moitié d'une grande surface et quatre maisons d'habitations, s'arrête d'un côté au boulevard maritime et de l'autre à la rocade autoroutière qui dessert le pont Flaubert... Mais tout cela sans en interrompre la circulation ! Les risques sont donc connus mais pas encore vraiment délimités".
http://www.paris-normandie.fr/article/rouen/video-lubrizol-les-robins-sortent-du-bois
Sans compter qu'il n'y a pas que Lubrizol dans ce secteur, c'est "tout un cortège d'usines Seveso où le moindre accident pourrait avoir un « effet domino »... Les sources de risque sont innombrables". Conclusion sans appel de Jacky Bonnemains : "Lubrizol est à l'étroit, prend des risques... Le mieux serait, si les finances le permettent bien sûr, de transférer cette usine rattrapée par l'urbanisation et la logistique routière dans un milieu moins urbanisé. A défaut, il faut être beaucoup plus vigilant et que Lubrizol accélère les mesures de réduction à la source des risques et ses études de danger."
Lubrizol n'est pas un cas isolé. Force est de constater que les PPRT manquent à l’appel. «Nous avons pris un retard phénoménal. Les PPRT ne remplissent pas encore leur fonction puisque 182 seulement ont été approuvés [au lieu de 400, ndlr]», a déclaré à l’AFP Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement.
«Les préfectures ont parfois tardé à prescrire ces plans», note Christian Schaible, en charge des questions industrielles à FNE. «Ensuite, l’élaboration du plan est un processus chronophage, avec la cartographie des risques, le zonage en fonction du degré de dangerosité, l’enquête publique… Les discussions entre les services de l’Etat et l’industriel pour déterminer ce qui devra être fait prennent beaucoup de temps», poursuit-il. Selon les cas, la mise en œuvre de certaines mesures peut prendre jusqu’à 5 ans.
Autre problème de poids: le financement des mesures. Une disposition avait été insérée dans le projet de loi de finances 2013. Mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel. En attendant que le gouvernement la réécrive, le système reste défaillant. Il existe seulement un crédit d’impôt de 40%, plafonné à 10.000 euros, permettant aux propriétaires de réaliser des travaux. Un apport peut être ajouté par l’Etat, les collectivités et l’industriel mais cela ne va pas de soi, selon FNE, qui souligne qu’aucun coût ne devrait être à la charge d’une victime potentielle.
Conclusion provisoire
C'est un événement grave qui s'est produit le 21 janvier 2013 chez Lubrizol. La mobilisation des pouvoirs publics mais surtout leur embarras au cour des premières heures prouvent clairement que quelque chose d'anormal s'est produit exposant les populations et l'environnement à un risque majeur.
Tout d'abord la piste du H2S est loin d'être infondée. Des témoignages laissent entendre qu'un risque de diffusion de ce produit nettement toxique n'était pas nul. Mais l'action conjointe des pompiers et de l'entreprise a permis de juguler la dispersion de ce gaz à l'extérieur de la cuve.
"la colonne d'abattement du H2S ayant parfaitement fonctionné, l'émission était donc bien du mercaptan..."
Reste tout de même un problème. Cette fameuse cuve de Lubrizol n'est en rien une unité de production de mercaptan. C'est une installation qui fabrique un produit chimique dans le cadre des activités industrielles de Lubrizol, c'es-à-dire un solvant,
un lubrifiant ou un adjuvant.
Comment se fait il qu'un mercaptan ait été synthétisé dans cette cuve ?
Si la thèse de l'erreur humaine semble admise, elle n'explique cependant pas grand chose. Il faudrait connaître exactement la composition des produits dans cette cuve pour esquisser une analyse digne de ce nom. Or le secret industriel semble encore une fois imposé sa loi et gêner toute réelle compréhension des événements.
On peut néanmoins esquisser un scénario en fonction des maigres informations dont nous disposons :
- des réactions chimiques non prévues ont eu lieu dans la cuve suite à un événement exceptionnel dont l'enquête nous révélera la nature ces réactions chimiques ont provoqué la formation d'un mercaptan qui a été relâché dans l'atmosphère...
- cependant d'autres réactions ont eu lieu déterminant une intervention rapide de services de secours pour les neutraliser. C'est alors que du H2S a pu se former.
- l'intervention a été très complexe aux vues de sa durée. Manifestement les secours ont du injecter des bases et des acides pour stabiliser le produit présent.
- une partie des produits présents dans la cuve a été transférée dans un autre bac pour faciliter le traitement chimique et surtout neutraliser rapidement des réactions potentiellement dangereuses. Des précipités ont pu alors se former concentrant des matières très toxiques. Dans la cuve cela a certainement provoqué la formation d'un culottage qui laisse penser que cet équipement serait détruit ou tout du moins devenu impropre à un usage industriel.
- c'est au bout de dix jours que la situation a été totalement maitrisé et que l'événement peut être considéré comme clos.
Reste un problème qui ne semble jamais avoir été abordé par les pouvoirs publics et
l'exploitant : la production de chaleur, la montée en pression de la cuve et au final le risque d'explosion.
Une réaction chimique provoque généralement des changements d'état de la matière mais aussi une production de chaleur. Or si l'on considère que les produits présents dans la cuve étaient à l'état liquide, l'événement s'est traduit par une formation de gaz (le mercaptan) et une production de chaleur. l'accumulation de gaz a pu causé une élévation de la pression de la cuve d'où la nécessité de les relâcher dans l'atmosphère pour protéger l'installation. Mais cette dispersion de gaz n'a probablement pas arrêté les réactions chimiques qui avaient lieu dans la cuve. La température a pu très bien continuer à augmenter entrainant de nouvelles réactions chimiques notamment la synthèse de H2S.
Les secours rapidement mis en œuvre et la préparation d'une solution neutralisante sur les consignes de l'INERIS ont permis de réduire le risque d'autant plus qu'une partie du liquide de la cuve a été vidée pour permettre un traitement dans l'urgence.
Somme toute une hypothèse se dessine dès lors : Lubrizol a très bien pu relâcher un gaz incommodant dans l'atmosphère afin d'éviter une défaillance industrielle majeure.
Les pouvoirs publics déjà très occupé à seconder l'exploitant n'ont pu mettre en œuvre un plan de communication efficient. L'important pour eux était d'éviter un accident en surveillant la réaction chimique et en organisant les secours. On comprend mieux dès lors pourquoi le match de football a été annulé... la venue en urgence de la ministre, le CoDERST extraordinaire du 12 février.
http://www.seine-maritime.pref.gouv.fr/Salle-de-presse/Dossiers-de-presse/Lubrizol
Rouen auraiut donc échappé à un drame de l'ampleur d'AZF. Et l'on ne saurait que reconnaître l'efficacité des services de l'Etat pour éviter le pire.
La seule chose que l'on puisse déplorer est qu'un langage de vérité n'ait pas été tenu immédiatement. La population comme les élus locaux doivent avoir accès aux informations importantes en particulier face aux risques.
Le mystère Lubrizol reste encore entier aujourd'hui et bien des questions se posent...
Que ce serait il passé si les secours n'avaient pu neutraliser la réaction chimique ? si la cuve avait explosé ? si des produits nettement plus toxique que le mercaptan s'étaient répandus dans une agglomération d'un demi million d'habitant ?
L'atelier qui a connu l'incident est toujours à l'arrêt en attendant les conclusions de l’enquête en cours. Lubrizol France, filiale de Lubrizol Corporation (Ohio), appartient depuis 2011 à la holding Berkshire Hathaway, 8ème entreprise mondiale, dirigée par le multimilliardaire Warren Buffett...
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