Le SRCAE Haute-Normandie mobilise aujourd'hui toutes les attentions dans le mouvement écologiste. Le projet présenté par le conseil régional est si affligeant que chacun s'emploie à préparer une contribution pour faite valoir les arguments favorables à une politique audacieuse de reconversion industrielle et de transition énergétique.
Beaucoup a déjà était dit sur ce blog. Mais un sujet n'avait pas été abordé, celui des hydroliennes. Cette technologie marine nouvelle prometteuse est en effet aujourd'hui l'objet de toutes les attentions dans les régions littorales de la Manche et de la Mer du Nord... à l'exception de la la Haute-Normandie.
Alors qu'il s'agit d'esquisser la transition énergétique pour les quarantes prochaines années, ni le SRCAE ni la très patronales filière énergie et encore moins le conseil régional ne parlent d'hydroliennes.
Il convient à présent de combler cet oubli, ou plutot ce refus de toute réelle transition écologiste de la région, en présentant rapidement ces fameuses hydroliennes.
une filière énergétique prometteuse…
Reposant sur la conversion de l’énergie des courants marins en électricité, l’énergie hydrolienne présente de nombreux avantages. Inépuisable et non polluante, pas même visuellement puisque les turbines sont généralement déposées au fond des mers, elle permet une production électrique totalement prévisible, liée au cycle des marées.
La mise en place et l’entretien des hydroliennes ne sont toutefois pas exempts de difficultés. Les contraintes techniques liées à un déploiement et à une maintenance en pleine mer sont nombreuses, de même que les freins réglementaires liés à l’accès et à l’exploitation des parcs. Les projets peuvent aussi se heurter à la réticence des utilisateurs habituels de la mer, inquiets de devoir partager l’espace avec cette nouvelle activité. L’impact mal connu des parcs hydroliens sur l’environnement impose la prudence.
La plupart des pays possédant une façade maritime exposée à des courants forts (plus de 3 m/s) seraient susceptibles d’exploiter ceux-ci, pour une production mondiale maximale estimée entre 400 et 800 TWh/an. En Europe, le potentiel hydrolien théoriquement exploitable serait de 15 GW, pour une production annuelle qui pourrait s’élever à 20 ou 30 TWh, soit la consommation d’un pays comme la Suisse (6 à 8 millions d’habitants). Plus de 80% de ce potentiel serait situé au Royaume Uni et en France où il se trouverait concentré sur deux sites : le Raz Blanchard, au large du Cotentin, et le Passage du Fromveur, au large du Finistère.
L’Europe dispose d’un potentiel de 15GW, capable donc de fournir de l’énergie à un pays comme la Suisse. La France possède 20% du potentiel européen, le Royaume-Uni a lui-seul capte 60% de ce potentiel.
…mais une filière industrielle encore en construction
Malgré ces perspectives, la filière industrielle française de l’hydrolien est à peine émergente. Constituée à l’origine, de petits acteurs locaux comme la PME quimpéroise Sabella, elle est aujourd'hui animée par des grands groupes avides de diversifier leur appareil de production. La DCNS s'est lancée dans l'aventure en acquérantr 8% de l’irlandais OpenHydro. Alstom a acheté la licence d’exploitation d’une hydrolienne canadienne la Beluga de Clean Current Power Systems, avant d’investir dans l’anglais Tidal Generation Limited. Pour autant aucun groupe ne dispose encore d’une capacité de production à grande échelle, et pour cause : jusqu’à
présent, aucun déploiement de grande taille n’a été effectué, ni en France ni à l’étranger.
Les expérimentations sont néanmoins de plus en plus nombreuses et ambitieuses. EDF a installé un véritable parc d’essai au large de Paimpol et de Bréhat, sur le Plateau de la Horaine, doté d’un budget de 40 M€. C’est là que l’énergéticien teste l’Arcouest, qu’il espère raccorder au réseau à l’été 2013 et compléter de trois hydroliennes supplémentaires, et qu’il envisage d’étudier une hydrolienne d’Alstom, l’Orca 7. Les résultats seraient jusqu’à présent satisfaisants : le rendement de l’Arcouest s’avérerait en effet supérieur aux attentes.
En juin dernier, GDF Suez a annoncé étudier lui aussi l’implantation de deux sites pilotes. Le premier, situé dans la zone du Raz Blanchard, lui permettrait tester des hydroliennes fournies par le norvégien Voith Hydro, tandis que le second, dans le Passage du Fromveur, serait un partenariat avec Sabella.
Ces expérimentations sont l’occasion de mettre à l’épreuve de l’océan matériel, hommes et procédures. Elles permettent par ailleurs de chercher des solutions aux défis techniques posés par l’hydrolien (maintenance, corrosion, raccordement…) tout en surveillant l’impact des machines sur l’environnement marin. Elles ne seront toutefois pas suffisantes : seule la publication d’appels d’offres d’envergure, nationaux ou internationaux, et la sélection d’entreprises françaises pour les projets qui en découleront, permettront à la filière de passer le cap de l’industrialisation.
en attente d'un engagement fort des pouvoirs publics
L'industrie dispose en France de sérieux atouts pour encourager le développement de la filière hydrolienne, à commencer par la cible de 50 MW en 2020 fixée par le Plan d’Action National en faveur des Energies Renouvelables, sur les 400 MW potentiels identifiés par l’ADEME et mentionnés, sans objectif associé, par le PPI 2009. Le tissu industriel encore dense, avec plus de 500 entreprises impliquées dans les énergies marines, et le dynamisme de la recherche peuvent en outre permettre l’élaboration de solutions innovantes aux problèmes techniques rencontrés.
Cinquante-huit acteurs impliqués dans le secteur (industriels, instituts et universités, conseils régionaux…) ont par ailleurs fondé au mois d’avril l’IIED France Energies Marine, dont l’objectif est précisément de favoriser l’émergence d’une industrie française spécialisée. Il sera ainsi chargé d’étudier les différentes problématiques technologiques et économiques, mais aussi réglementaires et environnementales liées à l’hydrolien. Doté d’un budget de plus de 130 M€ sur dix ans, il proposera en
outre 5 sites d’essais en mer aux porteurs de projets volontaires.
Le soutien financier de l’Etat à la filière, au-delà des 30 M € que celui-ci versera à France Energies Marine, est loin d’être négligeable. Près de 80 M € ont déjà été investis dans l’ensemble des énergies marines, qui ont permis de financer des projets comme l’hydrolienne Orca d’Alstom et la D10 de Sabella. Ces investissements devraient en outre se poursuivre, avec le lancement d’un nouvel Appel à manifestation d’Intérêt par l’ADEME début 2013, comme cela a été confirmé lors de la Conférence Environnementale. L'Etat envisage dès aujourd'hui de racheter le kWh à hauteur de 150 €.
Conscient que seuls des appels d’offres d’envergure, permettraient à la filière française de s’industrialiser et de prendre de vitesse la concurrence anglaise déjà vive, l’Etat a précisé dans une feuille de route en mars dernier les étapes précédant leur lancement. Conformément à celle-ci, une demande d’informations techniques et financières sur l’exploitation du Raz Blanchard a été publiée en avril, tandis que RTE a été missionné pour préciser les conditions de raccordement entre les futurs parcs hydroliens et le réseau électrique à terre. Les perspectives devraient ainsi se clarifier d’ici la fin de l’année, et déboucher sur un premier appel d’offre dans les deux ans à
venir.
La Haute-Normandie aux abonnés absents
Malgré les nombreux obstacles qu’il reste à surmonter, la constitution d’une filière énergétique hydrolienne en France semble en bonne voie, avec des acteurs dynamiques, des expérimentations concluantes et un réel soutien de l’Etat.
Reste qu'ici en Haute-Normandie alors que le potentiel du littoral est indéniable, il n'est jamais question d'hydrolienne. Alain Le Vern n'a pas souhaité que la région rejoigne France énergies marine préférant soutenir un modèle énergétique obsolète et nocif. Il faut dire qu'il a été bien aidé par le silence des élus d'EELV et le jeu des lobbies locaux.
Une fois encore la région donne à voir une capacité extraordinaire à faire les mauvais choix au pire moment. Alors que le développement des hydroliennes représente une opportunité pour le littoral et l'industrie locale, la collectivité en charge du développement économique et de l'aménégament du territoire regarde ailleurs !
Si les régions du littoral de la manche veulent prendre pied dans le secteur hydrolien, il conviendrait que la Haute-Normandie fasse preuve d'un peu plus d'audace. Après avoir laissé passer l’occasion de développer l’éolien terrestre et le photovoltaïque, il est urgent de changer de cap.
Les premiers appels d’offres français joueront un rôle déterminant, et il apparaît clairement qu’en dehors des efforts fournis par les acteurs du domaine, le premier pays à lancer des appels à projets d’envergure conférera un avantage stratégique à sa filière nationale. L’enjeu est à la hauteur de ces difficultés : la création d’un véritable secteur industriel, avec des milliers d’emplois pérennes et des débouchés internationaux pour les productions comme pour les savoir-faire.
150 €/MWh et non pas /kWh, ça ferait un peu cher...
Rédigé par : pofper | 09 janvier 2013 à 09:35