La France aujourd'hui se distingue en Europe par un modèle énergétique à la fois rigide, onéreux. Dans un contexte géopolitique tendu, notamment au Proche-Orient, les prix internationaux des matières premières augmentent fortement. Ainsi la facture énergétique française s'est alourdie de près d'un tiers en 2011 pour atteindre 61.4 Md€ (88% du déficit commercial de la France). Elle représente 3.1 % du PIB contre seulement 1% en 1990. La seule facture pétrolière s'élève à 50 Md€.
Cette facture est d'autant plus lourde que la consommation intérieure d'énergie plafonne depuis de nombreuses années. Avec 168 Mtep, la consommation finale d'énergie reste inférieure au niveau atteint au début des années 2000, où elle oscillait autour de 175 Mtep. Sa croissance est également plus faible qu'à cette époque de près d'un point. Par habitant, la consommation finale d'énergie est en baisse de 0.5%. Et les émissions de CO2 poursuivent leur recule.
Immanquablement le prix à la consommation de l'énergie en France poursuit sa hausse constante : +12% en 2011, après 10% en 2010. Sur dix ans, le taux de croissance annuel moyen du prix de l'énergie est de 4.3%, 2.5 points au dessus de celui de l'indice général des prix (1.8%). La hausse des produits pétroliers de 15.7% est pour bonne part dans cette augmentation d'autant plus qu'elle est majorée pour les combustibles liquides (+23.1%). Si l'augmentation du gaz est moindre (8.5%), elle n'en est pas moindre.
La structure de la consommation énergétique finale en France n'évolue guère pour autant. Le pétrole représente toujours quelques 43% de la consommation. L'électricité poursuit sa lente progression avec 24 % (507 TWh dont 442 de nucléaire). Et les énergies renouvelables peinent à s'imposer (9%). A croire que le modèle énergétique français est pérenne.
Il n'en est rien à regarder les choses plus en détail. L'absurdité de la situation énergétique apparaît au grand jour à l'occasion des pics de consommation d'hiver. Le 7 février 2012, un nouveau record de consommation électrique a été battu avec une demande mesurée à 100.500 mégawatts (MW). Compte tenu de l'importance dans l'hexagone du chauffage électrique (un tiers des résidences principales françaises sont équipées de chauffage électrique), la France représente à elle seule 50% de la pointe de consommation électrique en Europe.
Le nucléaire n'a fourni que 58.5 % des 100.5 GW appelés sur le réseau. L'hydraulique
a répondu à 11,5% de la demande, les centrales au fioul à 5%, les centrales au charbon à 4,7%, l'éolien à 3,6%, les centrales au gaz à 3,2% et les importations à 7,3%. Si bien que les émissions de CO2 se sont envolées à 11.950 tonnes par heure au moment du pic... sans parler des prix du MWh qui ont atteint 343 €.
Au cours de l'été 2012 une situation inédite s'est produite donnant à voir une autre faiblesse de la situation énergétique française dans un contexte européen d'affirmation des énergies renouvelables. Alors que 7 réacteurs nucléaires sont à l'arrêt et que la sécheresse pénalise la production hydraulique, EDF est contraint de faire appel à des centrales thermiques pour faire face à la demande d'électricité. Il faut remonter à 2004 pour trouver un tel niveau de consommation de charbon en plein été (474 000 t).
Somme toute le modèle énergétique français ne tient que grâce à la disponibilité des vieilles centrales thermiques et à l'interconnexion des réseaux européens de distribution d'électricité. Sans cela le nucléaire serait incapable de faire face aux variations de la consommation (une pointe d'hiver 50 % voire plus de la capacité du parc nucléaire). Le chauffage électrique impose une tension considérable sur le système électrique français. Ainsi, selon l'institut Négawatt, 1°C en moins représente l'équivalent de la puissance électrique moyenne nécessaire à la ville de Paris qu'il faut fournir en plus...
Quand ont sait qu'il faut utiliser 2,3 kWh de gaz naturel, pour fournir 1 kWh de chaleur avec un chauffage électrique force est de reconnaître que le système est absurde. Le chauffage électrique nécessite une surpuissance qui n'est de fait utilisé que pendant les vagues de froid sans pour autant répondre à la totalité de la demande. Une surpuissance dont les usagers payent la facture sans pour autant que le service énergétique auquel ils ont droit s'améliore.
Force est de reconnaître dès lors que la France dispose d'un gisement énergétique énorme, et les professionnels de l'économie d'énergie entendent bien le faire savoir durant le débat sur la transition énergétique. "La France dépense 60 milliards d'euros en importations d'énergie, indique Guy Dufraisse, président de Schneider Electric, il y a un gain potentiel très significatif."
Si les gains de consommation énergétique peuvent se faire dans tous les domaines, c'est surtout dans l'habitat que se concentrent les efforts. "On compte 30 millions de logements, il faudrait en rénover 400 000 par an pour en abaisser la consommation à 80 kWh par an et par mètre carré , rappelle Sylvie Charbonnier d'Isolons la Terre, un groupement d'industriels de l'économie d'énergie. Au prix moyen de 60 000 euros par logement, ce marché potentiel de la rénovation énergétique représente 24 milliards d'euros par an."
Le coût semble élevé, mais il permettrait d'économiser largement plus en dépenses énergétiques. Avec des retombées attendues sur l'emploi non négligeables. En Allemagne, une étude de la banque KfW montre qu'un financement public de 1,4 milliard d'euros permettant de mobiliser un crédit de 8,8 milliards d'euros conduit à la création de 197 000 emplois directs.
Dans une économie atone, c'est aussi un secteur d'activité dynamique : "La rénovation thermique des logements est en croissance de 3 % par an alors que l'activité globale du bâtiment ne croit que de 1 % et s'oriente à la baisse", indique Patrick Liébus, président de la CAPEB (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment).
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