[cet article ne fait pas consensus parmi les rédacteurs du blog]
exemple d'incompétence gouvernementale !
On peut souvent s'interroger sur les choix politiques faits par le gouvernement Ayrault. Alors que la conférence de Doha sur le climat n'a abouti à rien, que les schémas régionaux climat-air-énergie se distinguent par leurs insuffisances, que la lutte à Notre-Dame-des-Landes se poursuit, que la biodiversité recule un peu plus chaque jour, la gauche engage tous ses moyens dans une campagne de soutien au projet de loi sur le mariage pour tous. Intention louable mais mise en oeuvre de façon déplorable...
Il faut dire que ca ne mange pas de pain les réformes sociétales. Ca ne coute rien à l'Etat. Cela donne l'impression que le gouvernement est actif. Et finalement de telles mesures permettent de créer en quelque sorte une magnifique diversion. Chacun est dans son rôle : le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour mettre en scène un volontarisme intransigeant ; des opposants saisissent opportunément le problème pour clamer leur indignation et vouer aux gémonies ceux accuser d'ébranler les fondements de la société. La démesure est dans chaque camp alors que rien fondamentalement n'ébranle les inégalités et encore moins le système de production.
Force est de voir là l'expression d'une gouvernance du renoncement. Plutôt que de prendre à bras le corps les grands problèmes contemporains, les gouvernements des démocraties représentatives se concentrent sur l'écume des choses. A la politique succède le spectacle de la politique. Gouverner revient à orienter le débat public ou plutôt l'animer sans jamais remettre en cause les grands équilibres et les orientations présentées comme structurelles. Ainsi les réformes sociétales sont elles devenues le complément indispensable du conservatisme.
Le gouvernement Ayrault malgré quelques hésitations a parfaitement compris l'intérêt de brandir le "mariage pour tous" comme le symbole de son action. Dix huit mois avant les élections locales il n'y a pas de meilleur moyen pour raviver le clivage gauche-droite et mobiliser l'électorat progressiste. A croire que plus une mesure est caricaturale plus elle est pertinente aux yeux des professionnels de la politique. C'est bien la misère de notre démocratie qui apparaît là au grand jour.
La nouvelle majorité a oeuvré de la manière la plus maladroite qui soit. Voulant promulguer une loi qui fait date, elle a mélangé sans scrupules plusieurs problèmes sans se donner les moyens de les résoudre de manière satisfaisante :
- de compenser les insuffisances du PACS qui n'a pas reconnu le droit à l'adoption aux couples homosexuels et donc esquivé l'enjeu de la famille homoparentale.
- résoudre le problème épineux de la co-parentalité posé par la constitution de familles recomposées.
- édicter un cadre général actualisé pour la filiation et donc la transmission des patrimoines qui ne lèse aucun enfant.
Une actualisation du PACS aurait largement suffit pour apporter des solutions efficientes à ces problèmes. Les familles homoparentales auraient pu ainsi obtenir la reconnaissance qu'elles méritent, les familles recomposées voir s'éloigner des entraves administratives très pénibles au quotidien et tous les enfants disposer des mêmes droits...
Mais cala devait être trop simple pour les apprentis sorciers du hollandisme mou. Ils ont préféré construire une usine à gaz qui immanquablement a entrainé la mobilisation des milieux conservateurs, divisé ce que d'aucuns appellent la communauté homosexuel et révolté les féministes. Rarement proposition de loi n'a provoqué une telle polémique.
La droite ébranlée par ses divisions internes s'est emparée de du "mariage pour tous" afin de refaire son unité sur le terrain. La gauche fragilisée par l'impopularité du gouvernement Ayrault a répondu à la mobilisation de la précédente pour faire bloc. Et insensiblement le débat public à dérivé de la promotion du "mariage pour tous" à la défense des droits des homosexuels. Depuis le 16 décembre est on passé insensiblement du "pour ou contre le mariage pour tous" à un "pour ou contre l'égalité entre homo et hétéro"...
Les partisans du "mariage pour tous", lorsqu'ils sont eux-mêmes homosexuels, défendent un droit dont beaucoup n'entendent pas se saisir. On peut même dire que leur mobilisation constitue un détour qui heurte la culture dominante d'une communauté davantage portée à défendre ses modes de vie qu'à les aligner sur ceux des hétérosexuels. Mais la réforme promise par Hollande est devenu un symbole. Elle lèverait une forme de discrimination à en croire ses partisans. Finalement tout est fait pour laisser croire que sa portée réelle dépasse – et de loin – son objet.
Dans ce contexte tumultueux, faute de repères, la surenchère l'emporte. Comme le reconnaît François Bazin dans les pages du Nouvel Observateur : " il n'est guère étonnant que les arguments avancés par les uns et les autres aient autant de mal à se répondre. Pour les pro-mariage, tout découle de la notion d'égalité qu'ils mettent sans cesse en avant. Le mot d'ordre est simple. Il est peu contestable. Il s'applique aisément au mariage qualifié – et ce n'est pas un hasard – de "mariage pour tous". Il entraine de facto le droit à l'adoption dans des conditions similaires pour les couples hétéro et homosexuels. S'agissant de la PMA (procréation médicalement assistée), on voit bien comment, au nom de l'égalité, on peut considérer qu'un couple de lesbiennes y a autant droit qu'un couple hétérosexuel. Reste que dans la chaine de ce raisonnement, il arrive un moment où la nature reprend ses droits. Pour avoir un enfant, hors procédure d'adoption, un couple d'homme ne peut qu'avoir recours à la GPA (gestion pour autrui), laquelle est aujourd'hui refusée, en droit, à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle."
Comme Pierre Bergé, certains en arrivent aujourd'hui à réclamer la GPA pour les gays au même titre que la PMA pour les lesbiennes. Loin de soutenir la loi, ils apportent ainsi une confirmation aux craintes qui ont mobilisées les milieux conservateurs. Et la polémique repart plus vivement au point d'amener un groupe de députés socialistes à prendre publiquement leur distance le 20 décembre en dénonçant un amendement sur la PMA...
Alors que le débat de fond sur la parentalité n'a jamais eu lieu, tout donne à voir que le débat passe de caricatures en caricatures, de slogans réducteurs en slogans réducteurs, de positionnements clivant en affirmations à peine idéologiques. On en vient presque à oublier les arguments absurdes des première manifestations "anti mariage gay". Deux camps s'opposent aux grés des circonstances et renouvèlent sans cesse leur argumentaire pour alimenter une controverse qui n'a plus grand chose à voir avec son objet initial.
Et au final la plus grande confusion l'emporte sans que jamais le compromis soit recherché. Chacun campe sur ses positions et joue un rôle : les "gentils progressistes de gauche" s'en prennent aux "méchants réactionnaires homophobes de droite"... Les "défenseurs de la civilisation" vouent aux gémonies les "mécréants libertins". Et les passions font le reste. A croire que d'aucuns s'évertuent à entretenir ce climat délétère !
Somme toute cette séquence donne à voir que la démocratie française n'est pas si mûre qu'il y parait. En utilisant le mot "mariage" il était certains que les milieux traditionnels se mobilisent, que cette mobilisation ranime un vieux fond d'homophobie, que la droite surfe sur cette indignation... que le gouvernement se présente comme le rempart de la "gauche" face aux puissances réactionnaires toujours à l'œuvre.
On aurait pu attendre d'une équipe gouvernementale compétente qu'elle anticipe une telle séquence. Mais le gouvernement Ayrault embourbée dans le bocage nantais a préféré ouvrir un contrefeu. Afin de mieux masqué son incapacité à mettre en œuvre des politiques publiques progressistes à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux, la majorité a créer une diversion colossale et funeste. Funeste puisque jamais depuis fort longtemps les homosexuels n'ont été l'objet d'une telle vindicte publique. Funeste puisque le droit à la famille pour tous sera tout au plus une victoire à la Pyrrhus dont les séquelles ne seront pas faciles à traiter.
Un authentique gouvernement de la gauche et des écologistes pouvait traiter de manière plus subtile les revendications légitimes des couples homosexuels et prioriser pour ce début de quinquennat de grandes réformes qui apportent un mieux être au plus grand nombre. Les chantiers sont immenses et nombreux. Mais bien peu est fait. Que ce soit sur le terrain écologiste ou face à la question sociale, le changement n'est décidément pas pour maintenant. A la frénésie néolibérale sarkozienne succède la confusion hollandiste. Et c'est au final le principe du réformisme qui est mis à mal.
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